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La Justice (101-111)
#1
La Justice
(Auszüge)

* * *


Le poète.

Je respire ! Il est clos, le combat singulier,
Si long, si rude en moi, du cœur et de la tête !
Il cesse comme on voit, après une tempête,
La falaise et le flot se réconcilier.
Je sens à ma raison mes vœux se rallier
Pour me rendre ma flamme et mon nom de poète ;
Les voix qui l'étouffaient lui font maintenant fête,
Et se changent pour elle en écho familier.
Ces voix, je souffrais tant de les repousser toutes !
Les plus douces surtout, qui parlaient à mes doutes
Comme un chant de nourrice humble, antique et puissant !
En elles vibre au cœur la vérité vivante,
Qui communique un souffle à celle qu'on invente,
Et prête à la parole un invincible accent.



* * *


Le poète.

Ô terre, nul mortel, même entre les meilleurs,
Bien que de tous ses dons la vertu le décore,
Si fort, si grand soit-il, n'est ton chef-d'œuvre encore :
Tous ses frères, unis, lui sont supérieurs !
Libre concert de bras et d'esprits travailleurs,
La cité, mieux qu'un homme, en florissant t'honore ;
Une fibre isolée est vainement sonore,
Thèbes sort de tes flancs à l'accord de plusieurs.
Ô terre ! La cité, c'est la puissance humaine,
Élite, somme et nœud de tes forces, qui mène
Ton tournoîment aveugle à son suprême but !
C'est en elle qu'enfin s'ennoblit ta corvée,
Et qu'au progrès du monde acquittant ton tribut,
Tu vois ta mission sidérale achevée !




* * *


Le poète.

La bête hésite à boire un sang pareil au sien,
Et ne cherche en son rut qu'un amant de sa race ;
D'un solidaire instinct c'est la première trace,
Et des êtres vivants le nœud le plus ancien.
Les carnassiers entre eux n'ont pas d'autre lien,
Endurcis par le meurtre, isolés par la chasse ;
Mais l'herbage a formé le troupeau moins rapace,
La fourmi fait déjà penser au citoyen.
La ruche, et de son miel la commune industrie,
Ont préparé la terre à devenir patrie ;
Mais l'homme est obligé de s'inventer des lois :
Artisan douloureux de sa propre excellence,
Pour fonder la justice il éprouve les poids,
Et semble en tâtonnant affoler la balance.






* * *


Le poète.

Dans les bandes d'oiseaux unis pour voyager,
Chacun soumet son aile au vol des autres ailes,
Comme au pas du troupeau chacune des gazelles
Asservit de ses bonds le caprice léger ;
Ces tribus, poursuivant sans nul guide étranger
L'air plus doux, ou le champ plus prodigue envers elles,
Vont au but pressenti, par un concert de zèles
Qu'un sens éclos du groupe a l'air de diriger.
Ainsi le genre humain, bien qu'il dévie et doute,
Vers l'idéal climat, dont il rejoint la route,
Porte son guide issu de sa propre unité.
Le couple fait le sang, la cité le génie,
Et peut-être naît-il de la fraternité
En des âmes sans nombre une force infinie.



* * *


Le poète.

Une suprême fin lie entre eux tous les cœurs ;
Elle se cache à nous et pourtant nous attire,
Par le même idéal hantés, sans nous le dire,
Dans nos communs transports, dans nos vagues langueurs.
Cet idéal émeut jusques à ses moqueurs,
Sur la place publique, aux jours de saint délire
Où d'un peuple, vibrant comme une immense lyre,
L'âme unique s'exhale en formidables chœurs !
Nous pressentons alors quelque cité dernière,
Où s'uniront nos mains, nos fronts dans la lumière,
Tous frères, et rois tous par un sacre pareil ;
C'est dans notre tourmente une vive éclaircie,
Dont nous reste longtemps la splendeur obscurcie,
Comme aux yeux refermés luit un profond soleil.



* * *


Le poète.

Peuple inhabile à vivre, un jour nous florissons,
Pour languir et déchoir, bien que sans cesse abonde
Dans nos champs, que le soc de plus en plus féconde,
Le trésor séculaire et croissant des moissons :
Les blés offrent leur masse à tous leurs nourrissons,
Invitant la justice à combler tout le monde,
Sans qu'à leur noble appel la justice réponde,
Sans que les peuples morts nous servent de leçons.
Ah ! N'en accusons pas l'ordre de la nature,
Du peuple accru la faim débordant la culture :
L'homme par son génie élargit son séjour.
Mais pour juger l'effort, l'ouvrage et le salaire,
La loi sans âme attend qu'on l'échauffe et l'éclaire
Au flambeau du savoir, au foyer de l'amour.


* * *

Le poète.

Une mère varie à l'infini ses soins
Pour l'enfant délicat et pour l'enfant robuste ;
C'est à force d'amour que sa mamelle est juste,
Pressentant le devoir d'allaiter plus ou moins ;
Des indices légers lui sont de sûrs témoins ;
Car ce n'est pas sans but que la nature incruste
Dans l'albâtre vivant de la poitrine auguste
L'or du cœur maternel qui sait tous les besoins.
Mais il manque à la loi, ce maternel organe !
Le vrai droit de chaque homme est un intime arcane
Ouvert pour la tendresse et clos pour la rigueur ;
La loi demeure inique et mauvaise nourrice
Avec des seins égaux où ne bat pas un cœur,
Et son indifférence a l'effet du caprice.


* * *

Le poète.

Crains, pour te gouverner, la plèbe autant qu'un roi :
D'ignorance et d'envie elle est trop coutumière.
La justice est l'amour guidé par la lumière ;
Elle ne règne point par l'équerre et l'effroi.
Nul ne peut se vanter d'être juste envers toi,
S'il n'a jamais sondé l'esprit et la matière,
Si dans ton corps entier, si dans ton âme entière
Il ne lit clairement quelle est ta propre loi ;
Car les lois justes sont les vrais rapports des choses ;
Et la nature seule a des urnes bien closes
Où ne tombe aucun vote aveugle ni pervers.
Ah ! Quiconque proclame égaux les droits de l'homme
Est hardi pour lui-même et pour toi, quand il nomme
D'un seul et même nom deux êtres si divers !


* * *

Le poète.

Orientons d'abord, d'un oeil froid, mais altier,
Le point de l'univers, dont l'homme auguste est l'hôte,
Comme un navigateur, près de quitter la côte,
Mande à ses pieds hardis l'horizon tout entier.
Faisons de notre îlot l'école et le chantier
Où s'arment sans répit la nef et l'argonaute
Qui, vers d'autres splendeurs, sur une mer plus haute,
Se frayeront dans la nuit un lumineux sentier.
Appareillons au port pour l'étoile future,
Réglons le gouvernail, assurons la mâture,
Dressons un équipage au vaisseau bien muni !
Que la terre, où l'orgueil inassouvi déprave,
Nous soit, par la science aventureuse et grave,
Un quai d'embarquement au seuil de l'infini !



* * *


Le poète.

Nous naissons pour régner, et n'abdiquons jamais.
Du serf, ancien vaincu rêvant les parts égales,
Au seigneur, indigné des barrières légales,
Nul homme de plein gré ne dit : « Je me soumets. »
Et c'est peu d'être libre, on dit : « Si je primais !
Maître à mon tour, exempt des besognes banales ! »
Vœu que réveille, en bas, le cri des saturnales,
En haut, l'appel tentant des glorieux sommets.
Hé bien ! Tous compagnons d'une même infortune,
Tous prétendants captifs, dans la chaîne commune
Pour nos titres gardons un respect mutuel ;
Vivons sur terre en rois dont n'a pas sonné l'heure,
Qui, par grâce accueillis dans quelque humble demeure,
S'y font l'esprit plus sage et le cœur moins cruel.


* * *


Le poète.

L'âme, c'est le vrai nous, monde proche et lointain
Du monde où le pied marche et la bouche respire,
Espace intérieur, inviolable empire
Qu'un refus du vouloir barre même au destin.
Nul mineur n'y pénètre avec sa lampe en main,
Aucun n'a sous la terre affronté de nuit pire ;
Dante, qui des enfers a descendu la spire,
N'a pu qu'interroger les âmes en chemin.
Jour levant, ô science, ô conscience, étoile !
Que, par vous révélé, tout l'homme se dévoile
Aux yeux de la justice à peine dessillés !
Seuls flambeaux de la loi, dissipez l'ombre en elle,
Dans l'esprit qui la guide en même temps brillez,
Et guidez pour l'écrire une main fraternelle.



* * *
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